Des outils pour la joie d'apprendre et d'enseigner
Émotion et apprentissage...
ou une émotion, ça compte toujours lors d'un apprentissage !
En famille ou en milieu scolaire (maternelle, élémentaire, collège, lycée et post bac compris) pour tous (enseignants et enfants) vivre l'expression des émotions constitue une activité principale pour notre cerveau et tout notre être. C'est tout à fait normal puisque les émotions sont essentielles et font pleinement parties de la vie ! Et même si c'est la vie, elles peuvent parfois être désagréables ou causes de problèmes, en empêchant le bon développement de chaque personne et de la relation entre les personnes. Leurs manifestations, parfois même leurs interventions, dans notre quotidien sont nombreuses et variées avec un large panel de nuances.
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Du point de vue de l'enfant, des plus jeunes au plus âgés, l’expression des émotions se lit sur le corps, particulièrement sur le visage du jeune enfant. Réactions immédiates, elles sont facilement observables et peuvent être reliées à la joie de retrouver les copains, à la peur de se séparer des parents, à la difficulté scolaire, à la frustration liée à l’acte d’apprendre et à la vie du groupe (surprise, stress, tension, anxiété, conflit, et parfois violence ...), à la tristesse liée à la mort d'un animal de compagnie, à la joie de la réussite...
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Nous aussi enseignants, pouvons nous retrouver dans l’ascenseur émotionnel, tout au long de notre journée et parfois sans que nous en ayons conscience... Je vous donne quelques exemples d'actions qui pourraient colorer, de manière injuste, nos pensées, notre comportement et notre journée, voire nous rendre la vie trop difficile : colère lorsque le photocopieur tombe en panne, peur lorsqu’un élève se casse une dent, sous notre surveillance pendant la récréation, découragement lorsque notre posture n'a pas été celle que nous aurions souhaitée pour un enfant en difficulté d'apprentissage, ...
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Bien sûr, il y a aussi les émotions différentes à tort appelées positives. En effet, soyons clairs, en psychologie positive, toutes les émotions sont importantes, elles ne sont donc ni bonnes, ni mauvaises. En fait, nous recherchons, non pas le contrôle de la situation, mais un fonctionnement optimal, concept développé par Rogers (1959). La psychologie positive est définie comme suit par Gable &Haidt, (2005), « La science qui étudie les conditions et les processus contribuant à l’épanouissement ou au fonctionnement optimal des individus, des groupes et des institutions.». Le fonctionnement optimal : c'est donc la possibilité d’avoir accès à toutes nos ressources quelle que soit la situation. Si vous souhaitez en savoir plus sur la psychologie positive , je vous conseille la lecture de "La psychologie positive" de R Shankland et Sophie Lantheaume.
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Cette petite mise au point faite, centrons-nous sur les émotions qui nous font plaisir, du bien, nous encouragent, nous donnent de l'élan pour avancer, faire progresser nos élèves et notre pratique professionnelle : émerveillement, lorsqu’un enfant est en réussite; soulagement, lorsque la vérité éclate après une tension; enchantement et gratitude lorsqu’avec des parents nous sommes témoins des progrès et du développement d’un enfant du fait d’une collaboration de confiance et centrée sur l’enfant, gratitude lorsqu'entre pairs nos élèves atteignent du fait de leur complémentarité un but choisi ensemble…
En tant qu'enseignant, un de nos objectifs est d’agir et de favoriser des apprentissages permettant de composer avec toutes nos émotions et, ce dès le plus jeune âge.
La roue des émotions de R Plutchik
Du point de vue de la recherche :
De nombreux chercheurs en sciences de l'éducation et neurosciences, travaillent dans les universités du monde sur les émotions. Et lorsque que les études montrent que la gratitude crée le sentiment qu’on est plus heureux avec les autres ... alors l'enseignement réalisé est doublement efficient. Notons que l'enseignant est doublement nourri au niveau personnel et professionnel ! Quels cadeaux !
Les études de Frijda (2003) nous encouragent à mettre en place des outils pédagogiques au service des émotions. En particulier, elles montrent que certaines émotions ont un grand impact sur les apprentissages : elles bloquent notre évolution et la capacité à penser, planifier, apprendre. Si nous oublions cette dimension importante de notre fonctionnement : l'écoute des/de nos émotions, la communication et la relation avec les autres, nos élèves, le savoir, l'apprentissage, notre enseignement sera de moins bonne qualité, pire les croyances négatives de chacun vont augmenter tout comme le dysfonctionnement... alors que nous voulons le meilleur pour nous-même et nos élèves. !!
En écho, les études de Barbara Fredrickson (1998, 2001) montrent que les émotions « agréables » contribuent à notre équilibre et ont un effet à long terme. Elles augmentent l’empan attentionnel et optimisent l’apprentissage en :
- élargissant le champ de nos pensées et de nos actions,
- diminuant l’impact des émotions négatives,
- augmentant la résilience.
Elles nous amènent à construire une palette de ressources. Depuis 1998, Barbara Fredrickson et son équipe travaillent sur la théorie « Broaden and buid Théory »( BBT). La BBT vise à « rendre compte des effets spécifiques des émotions positives, différents de ceux des émotions négatives et qui ne peuvent pas être expliqués par les théories existantes des émotions » (Conway et al. 2011). Fredrickson et Joiner (2002), Positive Emotions Trigger Upward Spirals Toward Emotional Well-Being, parlent de « spirales positives du changement de style de vie ». Ainsi, il existe un cercle vertueux entre les émotions positives, les motifs d’agir inconscients et les comportements favorables à la santé et au bien-être.
Ces études nous accompagnent dans la prise de conscience du rôle capital des émotions dans le métier d'enseignant et de l'intérêt à adapter nos pratiques professionnelles à leurs recherches.
A l'école, sensibiliser à la place des émotions dans le quotidien de la classe, faire connaissance avec les émotions, les nôtres comme celles des autres, appréhender les pensées, les jugements qui les accompagnent et traversent sans cesse notre journée… tout cela s’apprend ! Et deviendra au cours du temps un vocabulaire commun dans la classe.
Dans notre enseignement nous pouvons favoriser une éducations aux émotions et cela a et aura une grande importance. D'une façon transversale, elle va permettre de développer chez l'élève comme chez l'enseignant une posture adaptée et aura des effets bénéfiques et positifs tant sur les relations sociales et le climat de la classe que sur les apprentissages.
Dans notre pédagogie, lorsque nous sommes disponibles, nous pouvons choisir en lien avec les programmes de l'éducation nationales, dans différents domaines (Les langages pour penser et communiquer, Les méthodes et outils pour apprendre ou la formation de la personne et du citoyen) et dans différents enseignements ( français -particulièrement en lexique-, enseignement moral et civique) de laisser s'exprimer, de mettre des mots sur l'émotion et décrire le ressenti physique et émotionnel qu'il soit agréable ou désagréable, ... Nous ferons non seulement classe, mais communauté, pour prendre soin les uns des autres, se donner les moyens du bien-être et favoriser le meilleur développement possible de chacun.
Si nous prenons soin des émotions vécues à l'école, nous pouvons particulièrement travailler sur les compétences émotionnelles. Ce sont 10 compétences : 5 par rapport à soi et 5 par rapport à autrui (Mikolajczak et al 2014). C’est un processus qui permet la reconnaissance et la gestion de ses émotions et celles des autres (Daniel Goleman, 1998).
Ce travail en 5 compétences pour soi et pour l’autre vise les deux pôles de la relation : dans notre cas l’élève et l’enseignant. Chacun peut s’approprier les compétences de cet outil, ainsi accompagner l’autre où il en est et résoudre ce qui est bloqué.
Personne 1 :
Identifier
Comprendre
Utiliser
Exprimer
Réguler
Personne 2 :
Identifier
Comprendre
Utiliser
Exprimer
Réguler
La plupart du temps, en classe, c’est l’enseignant qui a développé ces compétences de façon naturelle et/ou par une volonté personnelle d’apprentissage. On pourrait dire qu’il a une maitrise de ce processus. Cependant, il est intéressant d’observer que parfois l’élève peut venir apporter ses propres compétences à l’enseignant qui n’a pas su trouver une gestion adaptée de son émotion.
J'ai eu la chance de pouvoir observer que ce travail sur les émotions est une co-construction. Je vous donne un exemple.
En fin d'année, fatiguée, un élève de la classe de CE1, a su identifier la colère, que je n’avais pas vu venir. Je vivais des tensions avec un adulte intervenant dans la classe. Ses réactions nombreuses, inappropriées et récurrentes ont suscité en moi une grosse colère. Un élève a alors été capable d'empathie et de me guider (avec la phrase, "ouh la la maitresse, là il faut que tu fasses ce que tu nous apprends, assieds-toi et respire ") pour pouvoir gérer et réguler mon émotion.
Dans ma carrière, cet évènement est inhabituel; d'ailleurs, à haute dose, il aurait des effets négatifs mais il est très précieux. Il témoigne, à mon sens, que notre enseignement passe aussi par notre rôle d'exemplarité. Élève ou enseignant, nous sommes tous en apprentissage, particulièrement dans les relations sociales, bien plus que scolaires, pour développer l'écoute, la compréhension de la vie et du monde qui s'exprime par les émotions que nous vivons ensemble à l'école et grâce aux apprentissages.
Des idées d'outils :
Laisser toute leur place aux émotions vise au moins deux objectifs :
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le premier serait de promouvoir une éducation aux émotions avec notamment la compréhension du fonctionnement de notre cerveau
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le second serait d'accueillir et accompagner l'impermanence des émotions
Il n'y a pas de méthode toute faite. LA solution n'existe pas ! Votre approche, en réponse à votre besoin et à l'état des lieux des besoins (parfois éducatifs) des enfants, doit être personnelle, fondée sur vos réflexions, capacités et en lien avec la situation.
Adopter l'attention aux émotions au sein de l'acte d'apprendre, en milieu scolaire ou à la maison, a une très grande importance et est relié à la satisfaction de nos besoins et au plaisir. Il s'agit, là d'un des critères du bien-être.
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Vous trouverez sur la page : Nourrir les besoins une très brève présentation des recherches des chercheurs Ryan et Deci et des outils, des idées de jeux, d'exercices à tester.
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Vous trouverez encore des apports théoriques, des outils, des conseils dans les livres de Laure Reynaud, ma tutrice de mémoire du DU PROMOBE.
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Pour la maternelle : Rituels pour développer les compétences sociales et émotionnelles, chez Retz, collection pédagogie pratique
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Pour les cycles 2 et 3 : Développer les compétences sociales et émotionnelles ; chez Retz, collection pédagogie pratique
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Laisser de la place à votre humeur, à votre cœur, à quelques erreurs, à vos envies, à la vie quotidienne, aux grands et petits événements, en bref à n'importe quelle situation.
Et imaginer, jouer, tenter puis ajuster, avec bienveillance, tout au long de vos expériences en fonction de votre contexte spécifique.
Préparer ses cours : des séances, des ateliers, des projets et enseigner dans une zone qui reste confortable pour nous, qui nous rend heureux. Et proposer, faciliter, favoriser, améliorer et renforcer le développement des compétences sociales et scolaires de chaque individu grâce à une véritable éducation aux émotions.
Pour conclure, place au spécialiste : Ilios Kotsou, chercheur dans le domaine de la régulation des émotions à l'université libre de Bruxelles, praticien de pleine conscience, de régulation des émotions et conférencier. Nous le retrouvons lors de sa conférence "Apprivoiser les émotions" à Grenoble en 2016.